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Nuit debout est toujours debout après 70 nuits : chapeau !

20 Mai 2016, 01:03

Revue de Presse Debout LeMonde.Fr

« Nuit debout peut être porteur d’une transformation sociale de grande ampleur »

Lettre ouverte

Les crises ouvrent le champ des possibles, et celle qui a commencé en 2007 avec l’effondrement du marché des subprimes ne déroge pas à la règle. Les forces politiques qui soutenaient l’ancien monde sont en voie de décomposition, à commencer par la social-démocratie, qui a franchi depuis 2012 une étape supplémentaire dans son long processus d’accommodement avec l’ordre existant. En face d’elles, le Front national détourne à son profit une partie de la colère sociale en jouant d’une posture prétendument antisystème, alors même qu’il n’en remet rien en cause, et surtout pas la loi du marché.

C’est dans ce contexte qu’est né Nuit debout, qui célèbre ces jours-ci son premier mois d’existence. Depuis la chute du mur de Berlin, la contestation du néolibéralisme a pris des formes diverses : gouvernements « bolivariens » en Amérique latine dans les années 2000, « printemps arabes », Occupy Wall Street, « indignés » espagnols, Syriza en Grèce, campagnes de Jeremy Corbyn et Bernie Sanders en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis…

Les historiens futurs qui se pencheront sur notre époque se diront sans doute qu’elle fut particulièrement riche en mouvements politiques et sociaux.

La France n’est pas en reste. Des grandes grèves de novembre-décembre 1995 aux mobilisations en cours contre la loi travail, en passant par le mouvement altermondialiste – la création d’Attac en 1998 notamment –, l’opposition au CPE en 2006 et à la contre-réforme des retraites en 2010, les occasions de contester cette « nouvelle raison du monde » furent nombreuses. Elles n’ont pas été concluantes, puisque la crise n’a pas sonné le glas des politiques néolibérales, mises en œuvre aujourd’hui à l’échelle planétaire avec plus d’agressivité que jamais.

Enjeux stratégiques

Malgré des difficultés et parfois même des échecs, les créations d’organisations ambitionnant d’incarner cette gauche antilibérale et anticapitaliste ont offert, chaque fois, des occasions de se coaliser, d’accumuler des expériences et de l’intelligence collectives.

Nuit debout est un mouvement sui generis, doté de caractéristiques propres. Mais il est aussi l’héritier de cette séquence, des bilans – positifs ou négatifs – tirés par les réseaux militants de ces expériences antérieures. L’histoire avance par conjectures et réfutations.

Un mouvement aussi jeune que Nuit debout est enthousiasmant, bien que forcément parfois confus. Ce qui impressionne toutefois dans son cas, c’est le sérieux avec lequel y sont discutés les enjeux stratégiques auxquels il est confronté. Avec l’un de ses axes, « contre la loi El Khomri et son monde », il parvient à articuler une exigence essentielle, le retrait d’une loi porteuse d’une très grave régression sociale, et la critique radicale de tout un système. L’une des perspectives qui le traverse et qu’il prépare, la grève générale, apparaît décisive pour opérer la jonction entre occupation des places et mobilisation sur les lieux de travail, et remporter une victoire qui serait fondamentale.

Les critiques du mouvement n’ont pas manqué de lui reprocher sa composition sociale, la surreprésentation – réelle ou supposée, nul n’en sait rien à ce stade – en son sein de personnes à fort « capital culturel ». Ces mêmes critiques ont pointé l’absence des habitants des quartiers populaires, et notamment des immigrés et minorités postcoloniales.

Quiconque a passé ne serait-ce qu’une heure place de la République ou sur les autres places occupées sait qu’une part considérable des débats en cours porte précisément sur les limites du mouvement, et sur la façon de les dépasser. Comment mieux s’associer avec les syndicats et la classe ouvrière ? Par quels biais susciter la mobilisation des populations en butte à la ségrégation sociospatiale et au racisme ? Quel « débouché politique » le mouvement doit-il se donner, s’il doit s’en donner un ? En assemblée générale aussi bien que dans les commissions thématiques, ces questions sont omniprésentes.

Transformation sociale

Les réponses sont certes hésitantes, parfois maladroites, et autour d’elles se cristallisent des désaccords. Mais les désaccords portent sur des enjeux réels. Nuit debout est un mouvement exigeant avec lui-même, qui ne sous-estime pas l’ampleur des défis à venir. Si le potentiel émancipateur d’une mobilisation dépend de la conscience qu’elle a de ses propres limites, et de sa volonté de les transcender continuellement, alors il est permis d’espérer que Nuit debout donnera lieu, dans les prochains mois ou années, à une transformation sociale de grande ampleur.

Comme disait Gramsci, nous sommes tous des intellectuels, mais nous n’exerçons pas tous la « fonction » d’intellectuel. Le capitalisme a créé pour ses besoins une classe d’individus qui fait profession de lire et écrire. En tant qu’universitaires et écrivains, nous appartenons à cette classe, même si nous sommes aussi des militant(e)s. Avec le dépassement du capitalisme, cette classe disparaîtra, et l’élaboration intellectuelle cessera alors d’être un privilège social.

Nuit debout n’a nul besoin d’intellectuels pour réfléchir. La production d’idées est immanente au mouvement, dont chaque membre est un intellectuel, et l’ensemble un intellectuel « collectif ».

Nous qui exerçons professionnellement la « fonction » d’intellectuels, nous voulons dire à ce mouvement notre admiration. Notre admiration devant son courage – il en faut pour résister aux constantes intimidations des tenants de l’ordre existant. Notre admiration devant son enthousiasme qui arrache à la tentation de la morosité en libérant à nouveau, avec l’espoir, la volonté d’agir sur le monde. Notre admiration enfin devant sa capacité à identifier les défis stratégiques du moment, et à essayer d’y apporter des réponses novatrices. Si l’articulation s’opère avec des secteurs du mouvement ouvrier et les réseaux associatifs issus des quartiers, rien ne pourra arrêter ce mouvement.

Les crises ouvrent le champ des possibles, mais le risque est grand de le voir se refermer aussitôt sous la pression de forces réactionnaires.

Nuit debout contribue à élargir ce champ, permettant ainsi aux forces révolutionnaires de converger vers un projet positif.

Nous appelons toutes les personnes et organisations qui ne se résolvent pas au monde tel qu’il va à rejoindre les places, et à prendre part, dès maintenant, à la construction d’un autre monde !

Signataires : Tariq Ali, écrivain ; Ludivine Bantigny, historienne; Patrick Chamoiseau, écrivain ; François Cusset, écrivain et historien ; Christine Delphy, sociologue ; Cédric Durand, économiste ; Elsa Dorlin, philosophe ; Annie Ernaux, écrivain ; Eric Fassin, sociologue ; Bernard Friot, sociologue ; David Graeber, anthropologue ; Nacira Guénif, anthropologue ; Razmig Keucheyan, sociologue ; Stathis Kouvelakis, philosophe ; Frédéric Lordon, philosophe ; Gérard Mordillat, écrivain ; Toni Negri, philosophe ; Leo Panitch, sociologue ; Paul B. Preciado, philosophe ; Wolfgang Streeck, sociologue ; Enzo Traverso, historien.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/05/03/nuit-debout-peut-etre-porteur-d-une-transformation-sociale-de-grande-ampleur_4912446_3224.html#gLwzDoOmwAOGk1jW.99


« Ne croyons pas que Nuit debout n’aura pas de conséquences »

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/04/30/le-rejet-de-la-loi-el-khomri-federe-les-coleres_4911304_3232.html#Ras3C1Jz6vDXLpkr.99


Le mouvement syndical et les animateurs de Nuit debout semblent vouloir amorcer un rapprochement. Est-ce qu’ils peuvent converger ou sont-ils condamnés à s’observer sans se comprendre ?
Il y a deux différences importantes. La première porte sur les revendications. Le mouvement syndical, par tradition, se base toujours sur des revendications précises. Là, en l’occurrence, c’est le retrait du projet de loi El Khomri et la négociation sur d’autres bases. Du côté de Nuit debout, si le point de départ a été aussi le projet El Khomri, c’est devenu un lieu d’agrégation des contestations et de réflexion sur les alternatives à construire. Des contestations qui viennent de la question sociale mais aussi des questions morales, avec le choc qu’ont représenté le débat sur la déchéance de nationalité et la position de Manuel Valls sur les réfugiés, mais aussi les questions environnementales qu’il ne faut pas sous-estimer.
Entre les deux, il y existe également d’importantes différences de fonctionnement. Le mouvement syndical se caractérise par une organisation pyramidale, avec des délégués, des responsables, des bureaux nationaux qui parlent « au nom de… »
Ce que refuse Nuit debout…
Exactement. Personne ne peut parler au nom de Nuit debout, il n’y a pas de représentants....

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/04/30/le-rejet-de-la-loi-el-khomri-federe-les-coleres_4911304_3232.html#Ras3C1Jz6vDXLpkr.99

 

Nuit debout est un rassemblement plus diversifié qu’on ne le dit

Sur Nuit debout, on a tout entendu : « La moyenne d’âge est de 25 ans », « un entre-soi de bobos parisiens », « aucun vrai prolétaire », mais « une bourgeoisie blanche urbaine », « des SDF et des punks à chien qui boivent de la bière », « un rassemblement d’étudiants déclassés, de militants de l’ultra-gauche et de semi-professionnels de l’agit-prop »… Ces énoncés, souvent tranchants, mobilisent des catégories toutes faites, disent quoi penser, clament ce que le mouvement est, doit ou ne doit pas devenir, hiérarchisent les endroits ou les moments de la place, le « vrai » et le « faux » Nuit debout. On plaide ici pour une autre approche : commencer par établir les faits, en enquêtant collectivement.
Depuis les premiers jours de Nuit debout, une trentaine de chercheurs se sont relayés à Paris, place de la République. Nous y avons travaillé durant six soirées, entre le 8 avril et le 13 mai, de 17 heures à 22 h 30. A ce jour, près de 600 personnes ont répondu à notre questionnaire. Contrairement à nos craintes, les refus de participer à l’enquête ont été rares : les personnes rencontrées, même de culture anarchiste, ont plutôt perçu l’enquête comme un prolongement de leur propre questionnement, et l’occasion de contribuer à une description mieux fondée que celles des observateurs pressés qui saturent les médias; (Extraits du Monde)

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/05/17/nuit-debout-est-un-rassemblement-plus-diversifie-qu-on-ne-le-dit_4920514_3232.html#U8ArUsGjbBU6D7zV.99

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