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FOCALE LIVRE : L'EMPRISE DE MARC DUGAIN

30 Septembre 2017, 11:21

Non, toute ressemblance avec des personnes existantes ou des événements avérés n'est certainement pas ici complètement fortuite... L'effet de réel est même saisissant, dès les premières pages et tout au long de L'Emprise, le nouveau et captivant roman de Marc Dugain. Mais entendons-nous bien : le réel dans lequel le romancier s'immerge ici ne se réduit jamais à l'élémentaire transformation de faits d'actualité en éléments de fiction. L'Emprise n'est en aucun cas un roman à clés, mais bel et bien un tableau réaliste, informé et strictement lucide du pouvoir tel qu'il s'incarne et s'exerce aujour­d'hui dans un pays tel que la France.

TELERAMA

Un roman politique passionnant, construit comme un thriller ou une série télévisée parmi les meilleures, poignant comme un drame, sous-tendu par une réflexion cinglante sur l'état de la démocratie, et que le désenchantement de son auteur teinte d'une vraie mélancolie.

TELERAMA

EXTRAITS DU ROMAN DE MARC DUGAIN DONT ON RECOMMANDE LA LECTURE DE LA TRILOGIE !!

 

La littérature ne va jamais aussi loin que quand elle oublie l’histoire qu’elle est en train de raconter. Comme si on oubliait la route pour se concentrer sur le bas-côté et les paysages. « Si je devais écrire, J’écrirais ainsi », se dit Sternfall que cette idée taraudait régulièrement. Il en retardait toujours l’exécution car si aujourd’hui écrire était une possibilité, il était concevable qu’elle se referme complètement dès les premiers mots, maladroits et empesés. Il n’était pas homme à se mentir et il avait trop lu pour ne pas savoir, alors il renonça une nouvelle fois. Son sujet ? Étudier cette curieuse disposition qui l’empêchait de regretter sa famille disparue. Ce fait choquant serait à n’en pas douter l’origine de l’œuvre, si celles-ci devait voir le jour. (...) La journée commençait dans le ciel par le passage à petit train de nuages de basse altitude blancs et replets poussés par un vent rieur. Un léger clapotis troublait la surface du bras de mer dans un mouvement régulier.Les informations données à la radio sur l’activité du grand volcan se faisait de plus en plus inquiétante, d’après ce que Sternfall avait compris.

(...)

Modestie mise à part, je diras que notre pays aurait tiré profit d’une bonne psychanalyse, Ce que nous avons toujours refusé de faire, et le désordre a envahi nombre de compartiments de l’existence. L’individualisme multiplie les choix et les gens n’ont plus les bases pour choisir. La liberté n’a jamais été aussi grande et beaucoup de gens s’en trouve encombrés. La confusion qui règne dans les familles crée des générations craintives qui ne s’équilibrent que dans une jouissance modeste mais immédiate.

(...)

La constitution de la Ve République me donne le droit d’agir par référendum. Ce procédé de démocratie directe a été trop peu employé jusqu’ici. J’ai décidé de m’en servir. Notre pays souffre d’un blocage politique qui fait que l’alternance ne produit plus rien de positif, si ce n’est de favoriser la montée de l’extrême droite. De plus, le bipartisme qui régit nos institutions n’est plus représentatif de l’électorat d’aujourd’hui. Seule la classe politique tire satisfaction et avantage de ce clivage artificiel. L’extrême droite et les abstentionnistes sont ensemble une force politique désormais majoritairement notre pays. L’essence de notre constitution n’est pas celle d’une monarchie parlementaire mais d’une monarchie absolue. La coexistence d’un premier ministre et d’un président n’a plus le sens que lui avait donné les institutions. En bref, la constitution est vétuste et nécessite une réforme ambitieuse. J’ai décidé de l’entreprendre pour faire barrage à la montée d’un courant que je réprouve. Je vais vous tracer les grandes lignes de cette réforme constitutionnelle.

(...)

En premier lieu, je vais proposer un système électoral qui fait une place plus importante à la proportionnelle. Ce système aura l’inconvénient de donner à l’extrême droite plus de poids mais il aura l’avantage d’obliger les modérés à s’allier, à se fédérer pour constituer une majorité de gouvernement à l’intérieur de laquelle sera désigné le Premier ministre. Si la droite modérée, la gauche modérée et le centre s’allient, eh bien tant il mieux. Le Premier ministre sera donc désormais désigné par le Parlement, dont le nombre de députés sera réduit. Autre innovation d’importance, le vote sera rendue obligatoire, les bulletins blancs seront pris en compte. À partir d’un certain niveau, ils pourront invalider une élection jugée non représentative.Le président de la République doit redevenir le président de tous les Français. Il ne désignera le Premier ministre et ne s’occupera plus de la formation du gouvernement. En revanche, il gardera son pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale. Les députés dont l’assemblée aura été dissoute ne pourront pas se représenter à la législature suivante, ce qui devrait les motivés pour s’accorder.

(...)

Le président aura aussi la possibilité de faire passer des réformes structurelles par voie de référendum si, sans vouloir la dissoudre, il juge l’Assemblée insuffisamment réactive. Son mandat ne sera plus calqué sur la durée du mandat législatif mais le dépassera de trois ans. Nous en aurons alors fini avec l’éternelle course à la présidentielle qui paralyse chaque législature. Le président restera le chef de la défense et de la diplomatie. Aucun mandat ne pourra être sollicité plus de deux fois à l’exception du mandat présidentiel qui sera unique, ce qui aura pour effet d’éviter la calcification de notre classe politique dans laquelle nous sommes tombés. Pour être clair avec vous, je proposerai dans le référendum d’être le premier président de cette nouvelle République. Je suis convaincu qu’en cassant les logiques de parti actuelles elle obligera les centristes de gauche à ne pas faire mine de ne pas être centristes et les hommes politiques très à droite de se déterminer clairement.

Certains journalistes d’investigation m’ont donné des tuyaux sur la façon dont fonctionnait le système, et le sujet m’intéresse depuis longtemps. Dans ce pays, il n’y a aucune transparence réelle. On amuse la galerie avec des histoires de président et de maîtresses, mais en réalité notre démocratie est plombée, c’est, pour reprendre l’expression d’Edwy Plenel, « une démocratie de petite intensité », parce que les choses graves ne sortent jamais, il y a toujours un écran de fumée. Nous avons en France un truc formidable qui s’appelle le secret défense, le plus grand générateur d’écran de fumée qui soit, et il n’y a pas grand monde pour aller gratter derrière.

MARC DUGAIN

En France, on se prend pour la grande démocratie qui donne des leçons au monde entier, mais la déférence envers le pouvoir reste telle que personne n’ose parler. Au point que certains journalistes en arrivent à dire que la seule façon d’exposer la réalité de ce qui passe dans notre classe politico-industrielle, c’est le roman, qui reste le seul mode d’expression à peu près inattaquable. C’est en remodelant la réalité à travers la fiction qu’on parvient à montrer le vrai nœud du pouvoir, entre les politiques, la grande industrie et les services secrets. Le jeu qui se passe entre eux est extrêmement trouble, inimaginable pour le grand public. En même temps, je reste « gentil » dans ce roman par rapport à ce que j’ai appris, et il me resterait beaucoup à raconter…

EXTRAITS DE QUINQUENNAT

Le clochard étais assis sur une chaise cliente coloniale. Costume trois-pièces déchirés aux extrémités, chaussures de tennis rongées par la marche et le temps, Barbe et cheveux longs. Devant lui, une file de touristes, pour beaucoup d’origine asiatique, attendant l’ouverture pour pénétrer dans un magasin de produits de luxe. Personne ne l’écoutait ni ne le comprenait. Deux vigiles, montagnes de muscles et de menaces, s’approchèrent de lui. 
- Vous devez partir, monsieur. Le clochard ne se démonta pas. 
- Il n’en est pas question, Messieurs. Le trottoir est à tout le monde. Vous n’avez aucun droit sur l’espace public. Toutefois, je comprends bien que ma présence fasse tache dans la belle composition que représentent cette rue et ce magasin aux articles prestigieux. Mais, je n’ai pas l’intention de bouger et je vous fais défense de m’y obliger. D’ailleurs, vous remarquerez la contradiction de ma position. Ici, c’est à peu près l’endroit de Paris où les gens donnent le moins. Ici les très riches ne font pas l’aumône, ils ont complètement dépassée l’idée de culpabiliser à cause de leur bien-être indécent. Vous devriez prendre une chaise, on serait mieux pour discuter, parce que là je me tords le cou pour vous parler. Et ne me regardez pas comme ça, sinon j’appelle la police et je vous fais inculper pour recel de détournement de fonds en Afrique, dans les pays arabes et ailleurs, escroquerie aux pauvres et à la classe moyenne et surtout atteinte au bon goût. Vous qui avez l’air sensé, dites-moi sincèrement, ces sacs, ils ne ressemblent à rien. Il faut vraiment que quelqu’un ait décrété leur valeur. D’ailleurs, s’ils n’étaient pas aussi chers, personne n’en voudrait. On achète la distinction sociale, un peu, non ? Vous n’avez pas l’air d’avoir d’opinion, en même temps je vous comprends, on vous paye, alors, dit-il en faisant le geste de se museler. Ces produits sont faits pour vous installer dans une certaine catégorie sociale, sans discussion possible. Ne me parlez pas d’élégance. L’élégance relève de l’esthétique et de l’estime de soi, de sa propre mise en perspective. Ces objets, non. Ils agissent juste comme un signal qui indique votre classe sociale. Vous montrez votre sac et votre montre , et on sait à quel monde vous appartenez. Plus pratique que de déballer son CV, ses relevés de compte en banque, sa déclaration ISF, bof ! Un coup de montre, un coup de sac et ça y est, pas de doute. Pourraient faire un effort, tout de même. Plutôt que du carton bouilli en Chine, pourraient mettre des bons cuirs de cheval, enfin j’y connais rien mais j’ai un certainœil. Vous avez l’air embarrassé.

(...)

- Vous ne pouvez pas rester là, monsieur. Vous comprenez ? 
- Vous me faites de la peine. Dans la position qui est la mienne, voyez-vous, depuis 30 ans que je vis dans la rue, j’ai essayé de maintenir un juste équilibre entre l’impécuniosité radicale dans laquelle je me suis précipité et une certaine dignité de comportement et d’apparence. Que vous n’y soyez pas sensible me chagrine.

(...)

Quelle heure est-il ? Bientôt 10 heures. Je m’arrête à midi, aujourd’hui RTT oblige. Je vais changer de quartier. C’est un vrai métier de mendier. Comme je vous le disais, les riches décomplexés marchent pas. Les très pauvres peuvent pas. Ceux qui donnent sont ceux qui ont peur que la vie les fasse basculer dans mon état. J’observe qu’ils sont de plus en plus nombreux. Plus la crise frappe les gens, plus ils ont peur de se retrouver à la rue, plus ils donnent aux gens comme moi. Mais plus la crise est importante, plus on est dans la rue. Le marché s’élargit, pour reprendre la terminologie de vos patrons, mais nous sommes de plus en plus nombreux à nous le partager.

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