- Faut-il inventer un nouveau capitalisme qui soit plus respectueux des personnes, plus soucieux de lutte contre les inégalités et plus respectueux de l'environnement et du développement durable ? On peut s'interroger si la brutale récession engendrée par le confinement planétaire va conduire à faire sauter quelques tabous, à relancer des imaginaires économiques et sociétaux. Le monde peut-il continuer à tourner avec des fixations aussi prégnantes sur les seules performances financières ? Quel peut être le mieux-être des salariés au travail, la meilleure prise en compte de la responsabilité environnementale et sociale des entreprises ?
L'économie, les technologies, le numérique bousculent toutes les certitudes actuelles. Les consommateurs exercent des pressions constantes sur les industries et les travailleurs, lesquels ont des difficultés pour se loger dans les grandes villes concentrant les emplois, les problèmes de reconversion. Trop d'incertitudes, trop de déséquilibres, trop de reconversions des modèles, trop de tensions... et si peu d'idéaux ni de pragmatisme pour accompagner les personnes.
La transition est à la fois numérique et écologique. Elle nous confronte tous à une obligation de se réinventer sous peine d'être vraiment déclassé de façon durable. L'anxiété et la déstabilisation guettent et la colère se manifeste chez tous ceux qui perdent la boussole. L'agressivité des gilets jaunes est un exemple manifeste. Il montre le déclassement des zones et des populations secondes du pays de plus en plus exaspérées d'être abandonnées. La société actuelle est sous tension, celle d'une évolution très rapide qui désoriente.
Quel doit être le rôle de l’état : un visionnaire ? Un stimulant ? Un réparateur ? La question d'un renouveau du contrat social se pose de façon cruciale.
Une occasion se présente peut-être, à la suite de la crise sanitaire de la Civid19, pour inventer un modèle capitaliste à bout de souffle qui épuise les ressources planétaires, les forêts les écosystèmes au risque de produire d'inévitables drames humains des pandémies au tsunami. Nous avons besoin d'une nouvelle boussole pour nous diriger dans une société durable et vraiment humaine. Certes, il existe déjà un indice de développement humain élaboré par le programme des Nations Unies pour le développement qui prend aussi en compte l'espérance de vie, le niveau d'étude. Néanmoins, peut-il supplanter une pensée unique en seuls termes de produit intérieur brut ? Quelles peuvent être les nouvelles boussoles des marchés, des chefs d'entreprise et des gouvernements se préoccupant également du vivant, de la nature, de la santé et des liens sociaux, du développement urbain et rural ? Quid d'un ministère du Travail et du Temps Libre, du bien-être humain ?
Il faudrait profiter de cette crise sanitaire pour initier une véritable prise de conscience et un véritable travail sur ces problématiques, car il est vraiment urgent de penser à changer de direction, suivre une autre boussole, prendre un nouveau cap. Et cela passe par une démocratie participative qui sensibilise et responsabilise les citoyens.
- À nul n'aura échappé que pour la première fois dans l'histoire contemporaine, les politiques auront fait le choix de la vie sur l'économie. Ils auront sacrifié l'économie pour faire face à l'urgence sanitaire en confinant pendant 2 mois la population française à domicile. C'est un choix noble, mais qui peut irriter plus d'une personne, car il s'agit bien de protéger les vieux qui est la catégorie de population la plus vulnérable au Covid-19. Les économistes considèrent que la valeur d'une vie humaine est proportionnelle au nombre d'années restant à vivre. A cette échelle, la vie d'un jeune est supérieure à celle d'une personne âgée. À suivre ce raisonnement, il peut paraître guère optimal de sacrifier les jeunes générations en les exposant au chômage, à la précarité, à la crise économique pour protéger les anciennes générations. Est-ce que la solution la plus rationnelle aurait été de confiner les séniors en attendant un médicament ou un vaccin et de laisser travailler les jeunes ? Toutefois, cela entraînerait une mise sous cloche des seniors qui pourraient crier à la discrimination par l'âge. Peut-on pour autant parler de discrimination face au risque mortel de la maladie ? L'autre souci est dans la confrontation des générations : peut-on opposer des classes d'âge ? Et quel en est le sens puisque les jeunes savent bien qu'un jour ils deviendront vieux et vraisemblablement peuvent-ils souhaiter vieillir aussi bien que leurs aînés ?
- Faut-il s'étonner de l'abstention extraordinaire aux élections municipales au regard de ce que chaque Français vit depuis plus de 2 ans. La politique française n'en finit pas de chuter et la démocratie mise à mal à la suite de dérapages du plus anodin au plus grave. L'image dominante est toujours celle d'hommes et de femmes politiques qui sont très éloignés des préoccupations quotidiennes, sans empathie, voire corrompus. Les politiques ne proposent plus de projets de société qui fassent rêver, des projets qui ré-enchantent la vie. Ils ne sont même pas de bons gestionnaires de la nation (pensons à la crise Covid-19 entre manque de masques, incapacités sanitaires de traçage, impréparation face à la notion de crise, infantilisation, comptages journaliers et mortifères ...). Faut-il s’étonner qu'une majorité de compatriotes détournent le regard. S'abstenir de voter est une expression citoyenne de refus jamais malheureusement prise en compte...
- Dernière interrogation. Selon Edgar Morin, la mondialisation est une interdépendance en solidarité. Il explique que le mouvement de globalisation a produit l'unification certes techno-économique de la planète, mais cela n'a pas fait progresser la compréhension entre les peuples. Pourtant, les périls écologiques, les armes nucléaires, l’économie déréglée créent de fait une communauté de destin pour les humains, mais il n'y a pas de prise de conscience. Est-ce que la crise du coronavirus va faire progresser la conscience de solidarité humaine à l'échelle planétaire ? Selon le philosophe, le grand risque est bien la fermeture égoïste des nations sur elles-mêmes. Ne faudrait-il pas abandonner la doctrine néolibérale pour un "New Deal écologique et social" ? Il s'agit de restaurer des solidarités entre voisins, entre travailleurs, entre citoyens, entre pays. Peut-être s'agit-il de penser globalement et localement la fois : ce qui conduit à re-localiser les productions essentielles de l'agriculture aux médicaments, à reconsidérer la consommation et le consumérisme, à réfléchir à l'intoxication à des produits sans véritable utilité ou en trop grande quantité... Le confinement a eu le mérite de permettre une pause dans l'existence pour tout un chacun, d'échapper un temps à l'incessant « métro-boulot-dodo » afin de penser l'instant et son destin personnel. Échapper au zapping pour tenter la pleine conscience...
- Toutefois, demeurons optimistes : l'avenir se réinvente déjà en regardant notre passé. L'économie solidaire et le numérique font renaître les "communs" ayant émergé dès le moyen-âge. Il s'agit d'anciens droits d'usage médiévaux (« commons »en anglais) qui autorisaient les villageois à faire paître leurs animaux, ramasser le bois mort ou bien cueillir les champignons dans les prés ou dans des bois communaux. Ces droits avaient disparu avec le développement de la propriété privée et du libéralisme économique.
Aujourd'hui, ce sont des ressources partagées et gérées par une communauté dans le but de les développer et préserver. Les communs peuvent alors être naturels, comme un jardin partagé ou matériel (comme des véhicules, des maisons, des coopératives de production d'énergie renouvelable) ou encore immatériel (logiciel libre savoir-faire, connaissance...).
Si l'extension des droits de propriété peut menacer l'accès à la connaissance, les logiciels libres et l'Internet sont reconnus comme des communs, des ressources communes qui appartiennent à tous et dont tout le monde peut profiter.
La crise climatique et la contestation, qui va croissante, du modèle néolibéral favorise le développement de ce nouveau champ politique et économique du commun. Des collectifs de citoyens prennent en main plusieurs aspects du quotidien dans les domaines d'approvisionnement, en énergie, dans le logement, dans la mobilité ou l'alimentation. Cela devient une véritable alternative aux offres étatiques ou marchandes. Les citoyens observent une double motivation à participer à leur fonctionnement : le souhait de créer une nouvelle société avec de nouvelles règles et d'autre part le besoin d'utiliser des ressources dans un contexte économique difficile.
C'est aussi un moyen de reconstruire du lien social à partir d'un intérêt commun, c'est une réponse en définitive à la crise économique et à une crise morale, voire éthique, à une crise des valeurs. L'esprit de la mutualisation remplace la surexploitation des ressources planétaires, un système marchand qui épuise les écosystèmes. La mutualisation (solution de partage de voiture, de lieu de travail, de marchés, de monnaie locale, de recherches open sciences, d'alimentation, d'énergie, de savoirs...) est ainsi un nouveau modèle d'avenir prometteur, permettant des dépenses en usant moins de ressources. C'est mettre "au pot commun", avec des réseaux "de pair à pair".