JUSQU'OU L'AUTONOMIE DES UNIVERSITES VA-T-ELLE NOUS MENER ?
Nous reprenons ci-dessous un article
de notre collègue Igor Babou.
Igor BABOU : J’apprends à l’instant qu’une énième réforme du supérieur, menée comme d’habitude sans aucune consultation des personnels, vient de supprimer le statut national des Équipes d’Accueil, c’est à dire le statut le plus courant des laboratoires de Lettres et Sciences humaines et sociales en France. J’ai recopié plus bas le texte de l’annonce de cette réforme. Il s’agit d’un nouveau transfert de responsabilité de l’État vers les établissements, qui fait courir à la recherche le risque de nouveaux arbitrages locaux et de nouvelles restrictions, telles que nous les vivons déjà dans le domaine de la formation.
La principale ligne d’interprétation logique de cette nouvelle est en effet celle d’une réforme libérale de plus : l’enjeu n’est pas donner plus de liberté pour faire de la meilleure recherche dans de bonnes conditions, mais de rendre impossible le dépassement des localismes bureaucratiques et économiques qui nous étouffent déjà.
Ces contraintes étaient déjà difficiles à supporter dans les universités des grandes villes (celles destinées à devenir des universités dites d’excellence : quelle prétention ridicule, au passage !), et rendaient notre travail de moins en moins intéressant, mais on imagine bien la chape de plomb qui va retomber sur les universités et laboratoires de province ou des ex DOM-TOM, où la seule logique d’action et de développement sera l’assujettissement aux bassins d’emplois locaux, avec une perte de légitimité des enjeux scientifiques extra-économiques qu’on pouvait encore négocier au nom d’un label attribué de manière nationale sur des critères certes discutables, mais encore relativement homogènes et respectés.
De même, plaignons les disciplines rares ou les thématiques peu à la mode, ou les épistémologies pas très “bankable”. Bref, c’est en gros ce qu’on dénonçait depuis nos premières AG du début des années 2000 qui est en train de s’installer durablement dans toutes nos structures… la mise sous tutelle de la recherche et du supérieur par le marché et par nos administrations, puisque le seul objectif auquel adhèrent aujourd’hui nos présidences et celles et ceux qui les servent, c’est en effet servir le marché, et surtout être serviles…
Suite de la tribune : http://igorbabou.fr/la-fin-des-equipes-daccueil/