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Crise économique en vue et mobilisations : un point de vue de sociologue

30 Mai 2020, 13:16

  • Sociologue et maître de conférences à Aix-Marseille Université, Baptiste Giraud est un spécialiste du syndicalisme et des conflits sociaux. Alors que la pandémie a accentué les inégalités face au travail et mis au jour de nombreuses revendications, il ne s’attend pas à une explosion de la colère sociale dans les prochains mois.
  • « Les crises économiques sont défavorables aux mobilisations syndicales », explique-t-il. Peu suivis, en particulier dans le secteur privé, les syndicats ont des difficultés à mobiliser.

On est très mal armé, en sciences sociales, pour prédire l’avenir, mais on sait d’expérience que c’est précisément dans ces secteurs où les conditions sont les plus précaires et les revendications légitimes que les capacités à traduire des mécontentements en mobilisations collectives sont en fait les plus difficiles.

Dans la grande distribution, les collectifs de travail sont fragmentés, entre les personnels en CDI et tous les étudiants qui viennent en renfort. Et les organisations syndicales sont plus faiblement implantées dans ces secteurs. Car pour ces salariés, prendre sa carte constitue un risque pour la carrière.

Autre élément, les périodes de crise économique sont plutôt défavorables aux mobilisations syndicales. Dans le secteur privé, les syndicats et les salariés vont être mis sous pression par la baisse de l’activité économique et exposés à un chantage à l’emploi peu propice pour porter des revendications d’améliorations des conditions de travail et des salaires.

(...)

Vu que la réforme des retraites est suspendue, je ne pense pas que la mobilisation syndicale sous une forme interprofessionnelle va repartir. Quant au mouvement des « gilets jaunes », il a aussi l’air d’être dans une phase de recul. On a pu voir à l’époque que localement, certains militants syndicaux participaient aux mobilisations des « gilets jaunes ». Mais comme ces derniers ne se sont pas structurés, et que les centrales syndicales ont aussi gardé leurs distances, une jonction me paraît difficile.

(...)

 Le seul élément original que je vois poindre au niveau politique, c’est le plan de sortie de crise sociale et économique proposé par la CGT, Solidaires, la FSU, avec des organisations comme Greenpeace et Attac, dont l’objectif est d’appeler à penser ensemble les problématiques environnementales et sociales. On est sur une autre culture militante. Relier les revendications des salariés avec la défense d’intérêts environnementaux est assez original. C’est sans doute une voie intéressante pour relégitimer leurs revendications, alors que les organisations syndicales sont souvent accusées d’être corporatistes, au détriment de l’intérêt général.

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